UTILISATION DE MIFEPRISTONE POUR LE TRAITEMENT DES PSYCHOSES ET DES COMPORTEMENTS ADDIC- TTFS
La présente invention a pour objet l'application de la mifepristone ayant une activité antiglucocorticoide pour la préparation de médicaments destinés à la prévention ou au
10 traitement des psychoses ou des comportements addictifs.
Les produits présentant une activité antiglucocorticoide sont connus comme pouvant être utilisés comme médicaments pour lutter principalement contre les effets secondaires des glucocorticoides ; ils permettent de lutter également contre
15 les troubles dus à une hypersécrétion de glucocorticoides notamment contre le vieillissement en général et plus particulièrement contre l'hypertension, le glaucome, l'athérosclérose, 1 'ostéoporose, le diabète, l'obésité ainsi que la dépression de l'immunité et l'insomnie.
20 Ils sont également connus comme médicaments destinés à la prévention ou au traitement des manifestations liées au syndrome de sevrage spontané ou précipité des narcotiques (demande de brevet européen EP 0676203) .
Ils ont également été décrits comme médicaments destinés
25 au traitement des désordres de l'anxiété (demande de brevet internationale WO 95104536) .
La demanderesse a mis en évidence l'application nouvelle et inattendue de la mifepristone.
Les neurones dopaminergiques expriment les récepteurs
30 aux glucocorticoides. Il est très probable que les hormones glucocorticoides modifient l'activité de ces neurones par une action sur ces récepteurs.
L'action inattendue des anti-glucocorticoides réside dans leur efficacité particulière à agir comme substances
35 anti-dopaminergiques. En effet, ils diminuent de façon très importante la libération basale de dopamine et la libération de dopamine provoquée par des stimuli dépolarisants. La libération de dopamine est considérée comme l'un des para-
mètres les plus fiables pour évaluer l'activité dopaminer- gique .
Les effets anti-dopaminergiques des antiglucocorticoïdes permettent d'envisager leur utilisation comme agents théra- peutiques des psychoses et des comportements addictifs. D'une part, une hyper-activité des neurones dopaminergiques est associée à plusieurs troubles du comportement dont certains états psychotiques comme la schizophrénie. D'autre part, les effets addictifs des drogues résulteraient d'une activation extra-physiologique des neurones dopaminergiques qui sont spontanément hyper-actifs chez les sujets vulnérables à développer des comportements addictifs.
Le blocage pharmacologique de l'activité dopaminergique est classiquement opéré grâce aux antagonistes des récepteurs dopaminergiques. Les antiglucocorticoïdes présentent plusieurs avantages par rapport à ces antagonistes. Ils réduisent l'activité dopaminergique dans un délai plus court (quelques heures contre plusieurs jours) , ce qui devrait réduire la latence d'apparition des effets cliniques. D'autre part, les antiglucocorticoïdes devraient produire moins d'effets indésirables sur le comportement. En effet, aux doses efficaces sur l'activité dopaminergique, les antiglucocorticoïdes n'ont pas d'effets sédatifs et ne désorganisent pas le comportement moteur, effets caractéristiques des antagonistes dopaminergiques.
La présente invention a donc pour objet l'application de la mifepristone répondant à la formule :
ayant une activité antiglucocorticoide pour la préparation de médicaments destinés à la prévention ou au traitement des
psychoses et des comportements addictifs.
La mifepristone est décrite et préparée dans le brevet européen EP 0057115.
Sous le terme psychose, on entend notamment la schizo- phrénie et les états maniaques tels qu'ils sont définis dans le DSM-IV. L'addiction définit toute conduite compulsive de consommation où il apparaît une dépendance physique ou biologique à l'objet consommé. Sont inclus dans les addictions, notamment les toxicomanies aux drogues telles que les opiacés, les psychostimulants, les barbituriques et le cannabis ou dérivés, le tabagisme ou l'alcoolisme, les désordres du comportement alimentaire comme la boulimie et les comportements compulsifs comme le jeu pathologique.
En particulier, la présente invention a donc pour objet l'application de la mifepristone ayant une activité antiglucocorticoide à l'exception de la mifepristone pour la préparation de médicaments destinés à la prévention ou au traitement d'une part de la schizophrénie et des états maniaques, et d'autre part des conduites compulsives de consommation vis-à-vis des drogues telles que les opiacés, les psychostimulants, les bartituriques et le cannabis (ou dérivés), de la nicotine ou de l'alcool, des désordres du comportement alimentaire tels que la boulimie et des comportements compulsifs comme le jeu pathologique. L'invention s'étend aux compositions pharmaceutiques renfermant comme principe actif la mifepristone.
Ce principe actif peut être utilisé par voie digestive, parentérale ou locale, par exemple par voie percutanée. Il peut être prescrit sous forme de comprimés simples ou dragéifiés, de gélules, de granulés, de suppositoires, d'ovules, de préparation injectable, de pommades, de crèmes, de gels, de microsphères, d'implants, de patchs, lesquels sont préparés selon les méthodes usuelles.
Ce principe actif peut y être incorporé à des excipients habituellement employés dans ces compositions pharmaceutiques, tels que le talc, la gomme arabique, le lactose, l'amidon, le stéarate de magnésium, le beurre de cacao, les véhicules aqueux ou non, les corps gras d'origine animale ou
végétale, les dérivés paraffiniques, les glycols, les divers agents mouillants, dispersants ou émulsifiants, les conservateurs .
La posologie utile varie en fonction du type de psychose ou d'addiction à prévenir ou à traiter et de la voie d'administration. Elle peut varier de 1 à 1000 mg par jour chez l'adulte par voie orale.
ETUDE PHARMACOLOGIQUE
Expérience in vivo
Dans une première série d'expériences, nous avons étudié l'effet du blocage de chacun des deux types de récepteurs aux corticostéroïdes sur les effets locomoteurs de la morphine. Cette réponse comportementale a été choisie puisqu'elle met en jeu les neurones dopaminergiques. Seul le blocage des récepteurs de type II par la mifepristone et le 17/3-hydroxy IOJS- t (4-méthylphényl) méthyl] 17α- (prop-1-ynyl) estra 4, 9 (11) -dièn-3-one réduit considérablement la réponse à la morphine tandis que la spironolactone, antagoniste des récepteurs de type I, ne modifie pas significativement cette réponse. Dans une deuxième série d'expériences, nous avons déterminé si l'influence des récepteurs de type II sur la réponse comportementale à la morphine dépendait véritablement de la dopamine. Pour ce faire, la morphine a été injectée directement dans l'aire tegmentale ventrale (ATV) , où se trouvent les corps cellulaires des neurones dopaminergiques. Cette réponse comportementale dépend spécifiquement de l'activation des neurones dopaminergiques du mésencéphale . Le blocage des récepteurs de type II diminue aussi la réponse locomotrice à l'injection intra-ATV de morphine. Dans une troisième série d'expériences, nous avons examiné comment les récepteurs de type II pouvaient exercer leurs effets sur le système dopaminergique. Pour cela, nous avons mesuré par microdialyse intracérêbrale l'effet du blocage de ces récepteurs sur la libération de dopamine dans le noyau accumbens. Il a pu être observé une diminution très importante (plus de 50 %) des concentrations extracellulaires de dopamine à
l'état basai et en réponse à la morphine. Il est important de signaler que l'administration des antagonistes des récepteurs de type II ne modifie pas le comportement moteur. En effet, ces substances n'ont d'effet ni sur la réponse locomotrice à un environnement nouveau, ni sur la réponse locomotrice à une injection de solvant (0,9 % de NaCl) .
En conclusion, ces résultats montrent que les glucocorticoides modifient l'activité dopaminergique via les récepteurs de type II et que les antagonistes de ces récepteurs peuvent être utilisés pour bloquer l'activité dopaminergique. Expériences in vitro
Les effets des antiglucocorticoïdes ont été testés sur la libération de dopamine de neurones dopaminergiques du mésencéphale en culture. Ce modèle in vitro permet de mesurer avec précision toute modification de l'activité de ces neurones .
La libération de dopamine est estimée par mesure directe de ses concentrations extracellulaires. La spironolactone (1 μm) ou le 173-hydroxy 10/3- [ (4-méthylphényl) méthyl] 17α- (prop-1-ynyl) estra 4, 9 (11) -dièn-3 -one (200 nM) ont été utilisés afin de bloquer respectivement les récepteurs aux corticostéroïdes de type I ou les récepteurs aux cortico- stêroïdes de type II. Dans la condition de culture qui a été utilisée, les neurones dopaminergiques se caractérisent par une libération basale de dopamine TTX-sensible et Ca dépendante et par une libération provoquée par le K+, elle aussi, Ca2+ dépendante. De plus, ces neurones expriment des récepteurs présynaptiques et des sites de recapture fonctionnels. En effet, les niveaux extracellulaires de dopamine sont diminués par un agoniste (le quinpirole, 10 μM) et augmentés par un antagoniste (le sulpiride 1 μM) des récepteurs dopaminergiques D2 ainsi que par des inhibiteurs de la recapture telles que la cocaïne (100 μM) et l'amphétamine (100 μM) . Les antagonistes des récepteurs aux corticostéroïdes ont, sur ce modèle in vitro, des effets similaires à ceux observés in vivo. L'antagoniste des récepteurs de type II diminue de façon importante (50 %) la libération basale de dopamine et la libération de dopamine provoquée par le K+. En revanche,
l'antagoniste des récepteurs de type I n'a pas d'effet significatif. De plus, les effets de l'application combinée des deux antagonistes sont identiques à ceux de l'antagoniste de type II seul. En conclusion, ces résultats indiquent de façon claire que les glucocorticoides contrôlent l'activité dopaminergique via les récepteurs de type II, et que les antagonistes sélectifs de ces récepteurs de la mifepristone peuvent être utilisés pour diminuer l'activité dopaminergique. De plus, les effets des antiglucocorticoïdes en culture suggèrent que ces agents agissent de façon directe sur les neurones dopaminergiques. Ce résultat est très important puisqu'il conforte l'hypothèse d'une spécificité des effets observés.