CREUSET ET PROCEDE DE CROISSANCE DE CRISTAUX MASSIFS ET, EN PARTICULIER, DE MONOCRISTAUX DU TYPE CaF2 La présente invention concerne le domaine technique des procédés de croissance de cristaux. Plus précisément, l'invention a pour objet un procédé pour contrôler la cristallisation en privilégiant les axes de croissance de faible énergie de Gibbs, ainsi qu'un creuset de forme adapté pour la mise en œuvre d'un tel procédé de production. La présente invention est avantageusement mise en œuvre pour la croissance d'un monocristal CaF2 orienté suivant l'axe privilégié de croissance (111). Il existe différents procédés de croissance cristalline : on pourra notamment citer les procédés de croissance cristalline utilisant les techniques conventionnelles de tirage nommées Bridgman-Stockbarger (Stockbarger « Artificial Fluorite » J. Opt.Soc.Am, vol 39 N° 9 (Sep 1949) 731-740) et Czochralski (J.M.Ko, S. Tozawa, A. Yoshikawa, K. Inaba, T. Shishido, T. Oba, Y. Oyama, T. Kuwabara, T. Fukuda (J. Crystal Growth 222(2001) 243-248)). Le principe de la technique Bridgman est basé sur l'insertion d'un creuset rempli avec la matière première dans un four, de préférence, vertical. La matière première, le plus souvent sous la forme d'une poudre polycristalline, est chauffée au-dessus de la température de fusion (surfusion) pour, ensuite, la faire cristalliser (solidification), de manière continue, par tirage à partir du bas du four jusqu'en haut, dans le cas d'un procédé dit « vertical ». Dans le cas de la croissance cristalline par la technique Bridgman, trois configurations de tirage sont possibles : soit par déplacement du four du bas vers le haut, le creuset restant immobile, soit par déplacement du creuset du haut vers le bas, le four restant fixe, soit par modification de la distribution de la température à l'intérieur du four, le four et le creuset restant fixes. La croissance cristalline d'un monocristal est amorcée suivant une direction bien déterminée à partir d'un germe externe découpé dans un monocristal orienté selon la direction souhaitée. Par germe externe, on entend un germe présent à l'état de monocristal avant même le démarrage du processus de cristallisation et non un germe formé in situ au cours du processus de cristallisation. L'utilisation d'un germe externe permet, d'une part de faciliter le contrôle de la germination d'un cristal unique, et d'autre part d'obtenir des monocristaux orientés suivant les directions imposées par le germe. La fîg. 1 décrit le principe de la croissance cristalline par la technique Bridgman. Un germe A orienté est placé au- dessous de l'orifice d'un creuset C dans lequel la matière première B est placée. Le
creuset C est placé dans un four vertical D et la matière première est chauffée à une température suffisante pour entraîner sa fusion. Une barrière isolante E est utilisée afin de séparer la zone chaude, dans laquelle la matière se trouve à l'état fondue, de la zone froide dans laquelle la matière se trouve à l'état cristallisé. Les monocristaux se forment sur les germes cristallins, lorsque la matière en fusion, sous forme liquide, arrive dans la région du four où la température est inférieure à la température de fusion de la matière à cristalliser. La qualité du cristal obtenu, dépend de la géométrie du front de cristallisation à l'interface solide/liquide. Le front de cristallisation se propage au sein de la matière disposée à l'intérieur du creuset à la vitesse de tirage. Lorsque le tirage est effectué par déplacement du creuset, la vitesse de tirage correspond à la vitesse de déplacement du creuset à l'intérieur du four, qui est le plus souvent comprise entre 0,1 et 3 mm/h. La maîtrise des gradients de températures à l'intérieur du four de tirage, et surtout au voisinage de la zone fondue et au niveau du front de cristallisation, est indispensable dans les procédés de tirage de cristaux selon la technique Bridgman suivant la direction imposée par l'orientation du germe. Le cycle du traitement thermique est aussi un facteur déterminant dans le tirage. Notamment, le choix de la température dans la zone fondue et au voisinage du germe est particulièrement important. Généralement, dans le cas de la croissance cristalline du CaF2 par la technique
Bridgman pour des applications dans l'ultraviolet, le germe est orienté suivant la direction (111), cette direction permet de générer des meilleures propriétés optiques et notamment une transmission supérieure à 99% et une biréfringence inférieure à 0,01nm/cm. De plus, le découpage suivant la direction (111) est facilité vu que les cristaux CaF2 se clivent selon les plans (111). La croissance des fluorures est réalisée dans des creusets en graphite afin d'obtenir des produits très propres et en absence d'oxygène. Dans le cas de la croissance cristalline des matériaux fluorés, le tirage des matériaux est donc assuré sous vide poussé ou bien sous une atmosphère inerte, afin d'éviter les problèmes d'oxydation. La présence d'oxygène est néfaste et dégrade les propriétés optiques des cristaux fluorés. Différentes voies peuvent être utilisées, afin d'absorber l'oxygène existant dans le bain liquide. Il s'agit en particulier d'utiliser des « scavanger » (réactifs sacrificiels) tels que des fluorures métalliques capables
d'absorber l'oxygène, du type PbF2 ou bien ZnF2. Leur mécanisme d'action est illustré ci-après dans le cas du CaF2. Les « scavangers » réagissent avec l'oxyde du liquide (CaO) pour former un oxyde (PbO, ZnO) qui sera facilement réduit en forme métallique (Pb, Zn) par le graphite suivant les réactions suivantes : CaO + PbF2 → CaF2 + PbO CaO+ZnF2 → CaF2 + ZnO L'élimination de l'oxygène dépend, en particulier, du procédé de synthèse et du type de scavanger. Malheureusement, dans la majorité des cas, les techniques de croissance de l'art antérieur sont assez coûteuses, en raison des pertes énormes dans la production due à la fusion du germe au cours du procédé de tirage. La fusion du germe provoque la perte de l'orientation du cristal avec la cristallisation d'un matériau polycristallin. Cette fusion provoque une modification du profil de la distribution de la température dans la zone de cristallisation ce qui provoque un changement du profil de température à l'interface solide-liquide, altérant la qualité du produit obtenu. Dans ces conditions, le matériau tiré présente des propriétés médiocres avec des densités de défauts très importantes, en particulier des dislocations, des bulles, des centres colorés (blanc ou noirs) et des miso-orientations, des mosaïques et des déviations supérieures à 10° par rapport à l'axe de tirage. Dans ce contexte, l'un des objectifs de la présente invention est de fournir un nouveau type de creuset de structure adaptée pour la croissance de cristaux massifs, et en particulier de monocristaux. Un des buts de l'invention est de fournir un creuset dont la structure permet de contrôler la cristallisation en privilégiant les axes de croissance de plus faible énergie de Gibbs. Un des buts de l'invention est également de fournir un creuset qui puisse être mis en œuvre dans un procédé facilement industrialisable et présentant une productivité améliorée, notamment par rapport aux techniques de l'art antérieur qui utilisent des germes externes comme amorce à la cristallisation. La présente invention a pour objet un creuset, adapté pour la croissance d'un cristal massif, à partir d'une matière première adéquate, comprenant un réceptacle, destiné à accueillir le cristal massif, caractérisé en ce qu'il comprend, en outre, sous le réceptacle, une succession verticale d'au moins deux conteneurs, chaque conteneur
étant relié au conteneur suivant, situé au dessus de lui, par une zone de restriction, le conteneur supérieur étant connecté, par une zone de restriction, au réceptacle. De façon avantageuse, le creuset selon l'invention présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes (lorsqu'elles ne s'excluent pas l'une l'autre) : • le fond du réceptacle converge vers la zone de restriction le reliant au conteneur supérieur situé en dessous de ce dernier, " les zones de restriction successives sont alignées verticalement, " l'axe central de chaque zone de restriction coïncide avec l'axe central de chaque conteneur et avec l'axe central du réceptacle, " les conteneurs successifs sont identiques et les zones de restriction successives sont identiques, • chaque conteneur et chaque zone de restriction le reliant au conteneur ou au réceptacle situé au-dessus, ont une section droite transversale interne constante et le rapport, entre la section droite transversale interne du conteneur et la section droite transversale interne de la zone de restriction est compris entre 2 et 50, " chaque zone de restriction présente une section droite transversale interne constante en forme de disque, • le diamètre de la section droite transversale interne de chaque zone de restriction est compris entre 200 μm et 1 mm, • chaque zone de restriction présente une longueur comprise entre 500 μm et 2 mm, » le creuset est en graphite et présente avantageusement une perméabilité comprise entre 0,1 et 6 cm2/s, avec une porosité moyenne inférieure à 15 % et un diamètre moyen de pore inférieur à 10 μm, " le creuset est en platine ou en iridium. Selon un autre de ses aspects, la présente invention a pour objectif de proposer un procédé permettant d'obtenir des cristaux de bonne qualité, grâce à un contrôle de l'orientation de la cristallisation. L'invention concerne donc, également, un procédé de croissance d'un cristal massif, à partir d'une matière première adéquate, permettant de contrôler la cristallisation en privilégiant les axes de faible énergie de Gibbs qui utilise le creuset tel que défini ci-dessus.
De façon avantageuse, le procédé selon l'invention présente l'une ou plusieurs des caractéristiques techniques suivantes (lorsqu'elles ne s'excluent pas l'une l'autre) : • il comprend les étapes successives suivantes : a) disposer d'un creuset selon l'invention, chargé d'une matière première choisie en fonction du cristal que l'on souhaite faire croître et placé dans un four vertical, b) soumettre au moins la matière première, située dans le conteneur inférieur, à une température suffisante pour entraîner sa fusion, c) amorcer la cristallisation dans le conteneur inférieur en créant un front de cristallisation et déplacer ce front de cristallisation verticalement vers le haut du creuset, selon une vitesse de tirage, de façon à ce qu'il traverse les conteneurs et zones de restriction successives, jusqu'à obtention de la cristallisation du cristal massif souhaité dans le réceptacle. " la vitesse de tirage est comprise entre 1 et 4 mm/h, • il est mis en œuvre pour la croissance d'un monocristal massif de type cubique présentant une orientation privilégiée, et en particulier, l'orientation (1 11), " il utilise un creuset selon l'invention en graphite, pour la croissance d'un monocristal d'halogénure d'un élément du groupe la et du groupe 2a du tableau périodique, et en particulier d'un fluorure choisi parmi : BaF , YF3, LaF , EuF3, TbF3 , SmF3, PrF3, CeF3 ou, de préférence, CaF2 ou NaCl, la pression au sein du four étant avantageusement comprise entre 1,3.10"' et 1, 4.10"^, " il utilise un creuset selon l'invention, en iridium ou platine, pour la croissance d'un monocristal d'oxyde choisi parmi Y3Al5O1 ou Gd Ga5Oι2. L'invention sera mieux comprise à l'aide de la description faite ci-dessous en référence aux figures annexées. La fig. 1 présente un creuset de l'art antérieur placé dans un four vertical utilisé dans la technique de Bridgman.
La fig. 2 est une vue schématique en coupe d'un creuset conforme à l'invention. La fig. 3 est une vue en coupe d'un autre creuset conforme à l'invention. La fig. 4 montre la distribution des orientations mesurées sur une série de cristaux cubiques obtenus selon le procédé de l'invention, dont l'axe de croissance privilégié est l'axe (111). La Fig. 5 présente le profil de montée en température, pouvant être utilisé avec le procédé de l'invention pour la croissance de CaF2. La Fig. 6 illustre certaines étapes d'une variante du procédé selon l'invention. L'invention propose un procédé de croissance cristalline orientée grâce à l'utilisation d'un creuset de format bien déterminé, sans avoir recours à un germe externe orienté. La conception du creuset selon l'invention permet de générer la croissance suivant les axes de croissance qui correspondent aux minima d'énergie de Gibbs, (V.E Puchin, A.V Puchina, M.huisinga and M. Reiching J.Phys.Condens Matter 13 (2001)2081). Le creuset I selon l'invention est représenté schématiquement selon une coupe longitudinale à la fig. 2. Le creuset I comprend un réceptacle 1 dans lequel le cristal massif va être cristallisé. Ce réceptacle 1 est relié, en son fond 2, à une série d'au moins deux conteneurs 3ι à 3n. Le nombre n de conteneurs est, de préférence, compris entre 2 et 6 et est, de préférence, égal à 3, comme dans les exemples illustrés aux fig. 2 et 3. Les différents conteneurs 3ι à 3„ sont interconnectés les uns aux autres d'une manière continue, de façon à faire communiquer l'intérieur de deux conteneurs successifs. Ainsi, lors de la mise en œuvre du procédé de croissance, il y a passage et déplacement du front de cristallisation d'un conteneur à l'autre. Le conteneur 3n situé directement sous le réceptacle 1 est nommé conteneur supérieur ou dernier conteneur. Le conteneur le plus bas 3ι est nommé conteneur inférieur ou premier conteneur. L'intérieur du conteneur supérieur 3n (3j dans les exemples) est connecté à l'intérieur du réceptacle 1 sous lequel il est directement situé. La connexion des différents éléments du creuset (connexion entre deux conteneurs successifs, entre le conteneur supérieur 3„ et le réceptacle 1) se fait par des zones de restriction 4χ à 4n. Par zones de restriction 4j, 42, 43 ..., on entend une zone de passage, un canal de communication, notamment, dont la section droite transversale interne s est
inférieure à la section droite transversale interne S des conteneurs 3l5 32, 33 .... Les dimensions des zones de restrictions sont déterminantes : elles doivent présenter une longueur et une section droite transversale adaptées pour assurer la propagation et la conservation des germes de faible énergie de Gibbs générés in situ, voire même contribuer à l'élimination des germes de forte énergie de Gibbs. De façon avantageuse, le diamètre de la section droite transversale interne de chaque zone de restriction 4ι, 42, 43, ...4„ est compris entre 200 μm et 1 mm. Préférentiellement, ces zones de restriction 4χ, 42, 43, ...4„ présentent une longueur comprise entre 500 μm et 2 mm. En fait, les connexions entre les différents éléments du creuset sont réalisées, de sorte que la partie supérieur d'un élément soit connectée à la partie inférieure de l'élément suivant, de façon à faire communiquer l'intérieur d'un élément avec l'intérieur de l'élément suivant situé au dessus. Selon les exemples de réalisation présentés aux Fig. 2 et 3, le fond de chaque conteneur 32 à 3„ est percé, seul le fond du conteneur inférieur 3j est plein. De préférence, chaque conteneur 3 et chaque zone de restriction 4 le reliant au conteneur ou au réceptacle situé au-dessus ont une section droite transversale interne constante et le rapport de la section droite transversale interne du conteneur sur la section droite transversale interne de la zone de restriction située au dessus, est compris entre 2 et 50. Par ailleurs, les zones de restriction successives 4ι, 42, 43, 4„ sont alignées verticalement dans les exemples illustrés et, de façon avantageuse, l'axe central de chaque zone de restriction 4j, 42, 43, 4n coïncide avec l'axe central de chaque conteneur 3ι, 32, 33, 3„ et avec l'axe central du réceptacle 1, nommé axe x-x. Cet axe x-x est parallèle à l'axe de translation du creuset et à l'axe vertical du four. Cet axe peut, également, être un axe de symétrie pour le creuset, dans le cas où tous ses éléments présenteraient une section circulaire. De façon également préférée, les conteneurs 3ι à 3n sont identiques et les zones de restriction 4! à 4„ sont identiques. Selon une variante préférée de l'invention, telle qu'illustrée aux fig. 2 et 3, le fond de chaque conteneur est perpendiculaire à l'axe central x-x. De plus, de façon avantageuse, la jonction a entre le fond et la paroi périphérique de l'intérieur de chaque conteneur 3ι, 32, 33, 3„ forme un angle, de préférence droit. De même, chaque zone de restriction débouche à fleur du fond du conteneur avec lequel elle assure la liaison, selon une jonction anguleuse b.
La taille du réceptacle 1 détermine la taille du cristal massif que l'on souhaite obtenir. Ce réceptacle 1 présente avantageusement un volume interne largement supérieur à celui des conteneurs 3ι à 3„, avec une section droite transversale égale, ou, de préférence, supérieure à ces derniers. Bien qu'une forme sensiblement parallélépipédique ne puisse être exclue, la partie principale du réceptacle 1 se présente, avantageusement, sous une forme cylindrique. Le diamètre D de ce cylindre correspond, par conséquent, au diamètre du cristal obtenu, l'épaisseur du cristal étant, quant à elle, déterminée par le taux de remplissage du réceptacle 1 par la matière de départ. Le réceptacle 1 est de dimensions telles qu'il permette l'obtention de cristaux de diamètres qui varient du centimètre à une centaine de centimètres. Il présentera, par exemple, dans sa partie principale, une section droite transversale correspondant à un disque de 1 à 100 cm de diamètre. De façon avantageuse, le fond 2 du réceptacle 1 converge vers la zone de restriction 4 , 4„ le reliant au conteneur supérieur 33, 3„ situé en dessous de ce dernier, de façon à faciliter l'écoulement du liquide en fusion. Par ailleurs, dans l'exemple illustré à la Fig. 3, le réceptacle 1, ouvert à son extrémité supérieure la, est surmonté par un couvercle 5 assurant sa fermeture. La taille du creuset 1 est, bien entendu, liée aux contraintes imposées par les dimensions du four vertical utilisé, le coût de construction du creuset pour la taille recherchée, l'engineering et la nature du cristal souhaité. De façon avantageuse, les différents éléments du creuset sont démontables, de façon à faciliter leur nettoyage, le chargement du creuset et la récupération du cristal une fois le procédé de croissance terminé. Néanmoins, une forme monobloc non préférée n'est nullement écartée de la présente invention. Comme illustré à la fig. 3, les différentes parties du creuset peuvent être empilables. Dans l'exemple illustré fig. 3, les zones de restriction 4ι à 4„ sont des canaux ménagés dans le fond des conteneurs 42 à 4„. La zone de restriction 4n est, quant à elle, ménagée au fond du réceptacle. La longueur des zones de restriction correspond alors à l'épaisseur du matériau constituant le fond en question. Le choix du matériau constitutif du creuset I dépend de la nature du cristal à faire croître. Le choix du matériau est important, notamment afin d'éviter que la matière à l'état liquide, destinée à être cristallisée, ne mouille, ne réagisse, n'attaque le creuset et afin de faciliter, également, le démoulage du cristal formé. Les différents
éléments du creuset sont, de préférence, réalisés dans un même matériau. Pour la croissance d'oxyde, le creuset est, avantageusement, réalisé en iridium ou en platine, alors que, pour la croissance de fluorures, il est réalisé en graphite qui est facile à couper et à usiner. De plus, le graphite intervient dans l'élimination des « scavanger ». De façon préférée, le graphite utilisé présente une perméabilité (définie par la norme DIN 51935 : 1993-08) comprise entre 0,1 et 6 cm2/s, avec une porosité moyenne inférieure à 15 % et un diamètre moyen de pore inférieur à 10 μm. La morphologie du graphite utilisé, qui présente des densités de pores très faibles, permet d'assurer un écoulement homogène dans les différentes régions du creuset I, autorisant la propagation et l'occupation des conteneurs successifs 3ι à 3„ d'une manière identique. Une telle perméabilité facilite le passage, dans les zones de restriction 4ι à 4„ et donc d'un conteneur à l'autre et permet d'éviter des germinations secondaires qui provoquent l'apparition d'orientations aléatoires. La fig. 4 montre la distribution des orientations mesurées sur une série de cristaux de CaF2 préparés à partir du creuset I de la fig. 3 et confirme l'orientation privilégiée suivant l'axe (111). A titre d'exemple un graphite poreux à gros grains ne permet pas la génération d'orientations privilégiées, dans ces conditions la croissance cristalline n'est pas contrôlée et les cristaux de CaF2 obtenus correspondent à une morphologie polycristalline et peuvent contenir une vingtaine de grains visibles à l'œil avec la présence de joints de grains de dimensions importantes. Les grains obtenus sont orientés d'une manière chaotique et ne correspondent pas aux orientations (100), (110) et (111), avec environ 2 % des résultats déviés d'un angle < 10° par rapport à la direction (111). La présente invention a également pour objet un procédé de croissance cristalline, mettant en œuvre le creuset ci-dessus défini. Ce procédé comprend avantageusement les étapes successives suivantes : a) disposer d'un creuset selon l'invention, chargé d'une matière première choisie en fonction du cristal que l'on souhaite faire croître et placé dans un four vertical, b) soumettre au moins la matière première, située dans le conteneur inférieur, à une température suffisante pour entraîner sa fusion, c) amorcer la cristallisation dans le conteneur inférieur en créant un front de cristallisation et déplacer ce front de cristallisation
verticalement vers le haut du creuset, selon une vitesse de tirage, de façon à ce qu'il traverse les conteneurs et zones de restriction successives, jusqu'à obtention de la cristallisation du cristal massif souhaité dans le réceptacle. La matière première est chargée de façon à remplir toutes les différentes parties du creuset I (conteneurs 3ι à 3„, zones de restriction 4j à 4„ et réceptacle 1). Le procédé de croissance est réalisé dans un système complètement fermé sans aucune voie de visualisation durant l'opération de tirage, c'est pour cette raison que les températures, dans les régions où l'on souhaite obtenir une surfusion, une germination ou une solidification de la matière à cristalliser, doivent être connues et déterminées pour les dimensions du creuset choisi et le four utilisé. De façon avantageuse, comme illustré à la Fig. 6, la matière, contenue dans le conteneur inférieur 3ι, est soumise en premier à une fusion primaire de façon à obtenir une zone fondue 6. Il est également possible que la zone fondue 6 s'étende à l'ensemble de la matière contenue dans le creuset. La fusion est réalisée à une température supérieure à la température de fusion de la matière à cristalliser. La température ne doit cependant pas être trop élevée pour obtenir un cristal de transparence satisfaisante. Avantageusement la température utilisée pour la fusion de la matière sera comprise entre la température F de la fusion de la matière à cristalliser et F + 50 °C. Bien entendu, la zone fondue n'est pas générée de manière brutale, la montée en température se fait par paliers. En particulier, le profil de température utilisé pour la croissance de CaF2 est illustré à la Fig. 5. De façon avantageuse, on réalise : - un premier chauffage jusqu'à une température Tl, comprise entre 500°C et 700°C avec une vitesse de montée en température de l'ordre de 60°C h - 120°C/h, de façon à réaliser un dégazage de la matière première, un second chauffage de Tl jusqu'à T2 compris entre 950°C et 1150°C avec une vitesse de chauffage de l'ordre de 60°C/h-120°C/h, de façon à éliminer les résidus d'oxyde par action du scavanger, - un dernier chauffage jusqu'à une température T3 suffisante pour entraîner sa fusion et une légère surfusion avec une
vitesse de chauffage de l'ordre de 60°C/h-120°C/h, avec une stabilisation à la température T3 de quelques heures, par exemple 6 heures, pour atteindre une fusion complète. Quelle que soit la variante choisie (fusion à la température T3 de la totalité de la matière présente dans le creuset ou uniquement de celle déposée dans le conteneur inférieur), la matière présente dans la totalité du creuset est soumise aux deux premiers paliers à Tl et T2. Le déplacement du front de cristallisation peut se faire par déplacement du creuset verticalement à l'intérieur du four, ou encore par déplacement du four. Dans le cas d'un déplacement vertical du creuset, le creuset I est alors soumis à une translation verticale selon l'axe vertical x-x du four du haut vers le bas du four 8.
Une région du four, de par la température T4 qui lui est imposée, correspond à une région de cristallisation stable. Lorsque la matière à l'état liquide atteint cette région du four, une cristallisation sous la forme d'une germination se produit, créant une interface liquide/solide, également nommé front de cristallisation 7. Le mouvement vertical, imposé au creuset I à l'intérieur du four 8 selon une vitesse de tirage, avantageusement comprise entre 1 et 4 mm/h, permet de déplacer l'interface liquide/solide 7, dans le sens opposé au mouvement du creuset comme illustré Fig. 6 qui montre différentes positions relatives du creuset I dans le four 8, vis-à-vis de la zone de fusion (température T3) et de la zone de cristallisation (température T4), en fonction de son niveau de translation. La procédure de croissance peut être comparée à une croissance standard par Bridgman utilisant un germe orienté. La différence essentielle de l'invention par rapport à l'art intérieur vient de la configuration particulière du creuset I qui permet de s'affranchir de l'utilisation d'un germe externe, le germe étant créé in situ. Bien entendu, le contrôle du profil de température à l'intérieur du four et, en particulier, à l'interface solide/liquide doit être assuré et modulé, afin d'éviter les problèmes de vibrations de la zone fondue susceptibles de modifier la géométrie de l'interface solide-liquide durant le procédé de croissance. Une perturbation de l'interface peut se traduire par le changement du profil thermique au niveau de la première partie du matériau cristallisé ce qui induit une dégradation microscopique et macroscopique des propriétés du matériau tiré. C'est pourquoi un contrôle maîtrisé de la température à l'intérieur du four, de façon transversalement et
longitudinalement au creuset, doit être assuré au cours de la procédure de croissance. De façon avantageuse, on utilise un four vertical présentant un gradient longitudinal de température. La température du four prise transversalement est, par contre, homogène. Lorsque le mouvement de translation vertical du creuset est amorcé, la cristallisation démarre dans le conteneur inférieur 3ι, au fond de ce dernier créant un front de cristallisation 7 sous la forme d'une interface solide-liquide. Le déplacement de cette interface solide-liquide est réalisé, dans la variante décrite, grâce à la vitesse de tirage due au mouvement de translation vertical du creuset. Dans l'exemple illustré Fig. 6, par translation du creuset I verticalement dans le four, la zone 6 correspondant à la matière en fusion, sous forme liquide, se déplace vers le haut du creuset. Le passage du front de cristallisation 7 dans la première zone de restriction 4ι permet d'éliminer quelques grains qui se sont déjà formés dans le conteneur 3ι. En effet, le passage par la zone de restriction 4 , en raison de sa faible section, permet de minimiser les rapports des gradients de température longitudinaux et transversaux et tous les phénomènes de convection qui interviennent dans les conteneurs de section largement supérieure par rapport à la zone de restriction. Ce premier passage permet de favoriser les grains de faible énergie en raison de la diffusion des grains de forte énergie vers les parois de la restriction 4ι et l'élimination de germinations secondaires dues aux propriétés du matériau constitutif du creuset. De plus, le passage par la première zone de restriction 4j permet de coaliser les plans de faible énergie au détriment de ceux d'énergie supérieure. En particulier, dans le cas de la croissance cristalline d'un monocristal cubique d'orientation privilégiée (111), et en particulier de CaF2, la section circulaire de la zone de restriction 4 et les propriétés du graphite (densité de pores très faible, grain très fin et perméabilité comprise entre 0,1 et 6 cm /s) constituent une barrière pour la propagation d'orientations secondaires et assurent la continuité de la croissance cristalline du germe primaire initié au cours de la cristallisation en raison de sa faible énergie. La zone de restriction 4j permet donc le passage du ou des germes qui correspondent aux plus faibles énergies de Gibbs, voire à l'orientation privilégiée si elle existe, et permet d'éliminer la majorité des grains à forte énergie. Le passage à travers la première zone de restriction est une première étape dans l'élimination des germes ou grains à forte énergie de Gibbs et la génération de la propagation
d'une croissance contrôlée dans le conteneur 32 suivant. Dans cette première étape du procédé, il y a donc nucléation du ou des germes qui correspondent à la ou aux plus faible(s) énergie(s) de surface de migrer à travers la zone de restriction et de croître dans le conteneur suivant. En effet, le passage du front de cristallisation 7 dans la zone 32 permet d'augmenter la taille du cristal en raison du rapport de section et de volume existant entre la première zone de restriction 4ι et le second conteneur 32 en conservant les mêmes cristaux déjà formés dans la restriction 4\. Mais, une forte compétition existe entre le grain de faible énergie et les grains d'énergie voisine. Le passage du front de cristallisation 7, par la deuxième zone de restriction 42 est une voie secondaire pour permettre d'éliminer les grains de forte énergie de Gibbs par la diffusion de ces grains dans les parois de la zone de restriction 42. Le passage par les deux premières zones de restriction 4ι et 42 permet déjà d'éliminer la majorité des grains secondaires différents des orientations privilégiées susceptibles d'apparaître. Le passage dans le conteneur 33 suivant par la deuxième zone de restriction 42 est une deuxième voie pour refaire la procédure précédente, afin d'initier l'orientation privilégiée et ainsi de suite jusqu'au réceptacle 1. Le passage par la dernière zone de restriction 43 ou éventuellement 4„ est la dernière voie qui permet de réorganiser la configuration structurale du plan atomique (hkl) qui correspond à la plus faible énergie de Gibbs et qui correspond aux meilleurs conditions de croissance cristalline due à la configuration géométrique du creuset. Dans le cas de la croissance de monocristaux tels que CaF2 le ou l'un des germes générés dans le conteneur inférieur correspond à l'axe de croissance le plus rapide, la conservation des conditions de croissance est maintenue durant toute la propagation du germe, au sein du creuset I. Un germe de faible énergie est donc généré, propagé dans la direction de cristallisation et conservé au cours du mouvement de translation du creuset I. Dans le procédé selon l'invention, tout contact entre les germes de plus faible énergie et le liquide en fusion, dans des conditions telles qu'elles pourraient entraîner la fusion desdits germes, et donc la perte de l'orientation, est évité. Dans l'exemple illustré Fig. 6, le déplacement du front de cristallisation 7, s'accompagne du déplacement de la zone fondue 6, étant donné qu'à l'étape b) du procédé, seule la matière première située dans le conteneur inférieur 3ι, voire même au fond du conteneur inférieur 3ι est mis en fusion. Par contre, lorsqu'à l'étape b) du
procédé, toute la matière première contenue dans le creuset est en fusion, le déplacement du front de cristallisation 7 de la zone fondue 6, s'accompagne alors d'une diminution de la zone fondue 6. Le creuset I et le procédé selon la présente invention présentent un intérêt tout particulier pour la croissance de monocristaux et en particulier de cristaux cubiques présentant une orientation privilégiée de type (111). On pourra notamment citer les halogénures associés à des éléments du groupe la et du groupe 2a du tableau périodique et, en particulier, les fluorures de composition CaF2, BaF2, YF3, LaF3, EuF3, TbF3 , SmF3, PrF3) CeF3 ou, encore, le chlorure NaCl. Pour la croissance de fluorure, on utilise des creusets en graphite tels que définis précédemment. Par ailleurs, classiquement, la croissance se fait en l'absence d'oxygène sous pression réduite à l'intérieur du four : notamment à une pression comprise entre 1,3.10_1 et l,4.10"4 Pa. Par ailleurs, on utilise, avantageusement, comme matière première un mélange du fluorure souhaité, sous la forme d'une poudre polycristalline par exemple, avec une poudre de « scavanger » présent en quantité appropriée, à raison par exemple de 5 à 10 % en poids de la poudre chargée, comme cela est décrit dans les techniques de l'art antérieur. La matière première présente, de préférence, une grande pureté avec un pourcentage d'éléments alcalinoterreux inférieur à 1 ppm et un pourcentage d'éléments alcalin inférieur à 0,5 ppm et un taux d'H2O inférieur à 100 ppm. La poudre polycristalline chargée présente avantageusement un diamètre moyen de particules inférieur à 20 μm, avec une densité supérieure à 1. Le creuset I et le procédé selon l'invention sont également parfaitement adaptés à la croissance d'oxyde cubique dont l'axe (111) est l'orientation privilégiée, tel que Y3Al5O1 ou Gd3Ga5O12. Pour la croissance d'oxyde, les creusets utilisés sont en iridium ou platine et l'atmosphère au sein du four peut contenir de l'oxygène. Néanmoins, l'invention présente également un intérêt pour la préparation de polycristaux composés d'un nombre réduit de différents gros grains. Dans ce cas, il est possible de récupérer à partir de ces polycristaux des cristaux orientés suivant des directions définies. Le cristal d'orientation voulue est alors taillé (coupé) directement suivant un angle connu par rapport à un cristal qui compose le polycristal obtenu.
EXEMPLES Exemple 1
Un creuset en graphite, tel que présenté à la fig. 3, est rempli d'un mélange de poudres contenant 95% en poids de CaF2 et 5% en poids de PbF2. La poudre utilisée présente une concentration en eau de l'ordre 70 ppm. Cette eau est présente en surface et peut être éliminée facilement à partir de 100°C. Nous avons remarqué qu'il est indispensable d'utiliser une poudre propre qui ne contient pas des molécules H2O à l'intérieur de la structure du CaF . La présence de l'eau provoque une contamination du cristal par l'oxygène. Le procédé de croissance par tirage comporte quatre phases. La première phase est le chauffage du conteneur inférieur avec la matière première sous vide poussé de l'ordre de 1,33.10"3 Pa jusqu'à une température supérieure à la fusion de CaF2 (1 500 °C). La deuxième phase est le maintient du liquide à cette température pour une durée suffisante. La troisième phase est la croissance cristalline par mouvement vertical du creuset avec une vitesse de l'ordre de 2 mm/heure pour atteindre la zone froide, la puissance doit être régulée automatiquement afin d'éviter toute fluctuation des rapports des gradients thermiques transversaux et longitudinaux au voisinage de la zone fondue. La quatrième phase consiste à récupérer le creuset après refroidissement du four à la température ambiante. Le matériau obtenu est facilement collecté du creuset, il est monocristallin et orienté suivant la direction (111). Les cristaux obtenus sont exempts de fissure et bulle et ne contiennent pas de mosaïques. Le monocristal obtenu présente une transmission > 99 % à 193 irai après polissage optique.
Exemple 2 Des cristaux de BaF2 à partir de la même conception de creuset ont été tirés. Le procédé de croissance est le même que celui utilisé dans l'exemple 1. Le liquide a été maintenu à une température de l'ordre de 1 350 °C en raison de la température de fusion du BaF2 qui est inférieure à celle du CaF . La vitesse de tirage est de l'ordre de 3 mm/heure. Le cristal est retiré du creuset. Il présente une orientation (111) largement majoritaire, malgré quelques petits grains qui sont désorientés les uns par rapport aux autres.