PROCEDE DE FABRICATION DE PIECES COLOREES
La présente invention concerne un procédé de fabrication de pièces colorées ainsi que des pièces fabriquées selon ce procédé. La présente invention concerne en particulier des éléments décoratifs de montre, par exemple des aiguilles, des appliques de cadran ou des cadrans, fabriqués selon ce procédé.
Dans le secteur horloger, les fabricants d'aiguille ont parfois recours à une méthode particulière afin de conférer une coloration sombre connue sous le nom « bleu acier » à certaines aiguilles de montres. La matière première utilisée pour la fabrication des aiguilles par étampage est généralement un acier au carbone. Le bleuissement de surface des aiguilles est alors obtenu par des traitements thermiques complexes, visant à oxyder une couche superficielle du métal.
Le pourcentage de rejet des pièces finies est très important. En effet l'étampage de fines aiguilles dans des plaques d'acier très minces est une opération délicate. Par ailleurs, le procédé de bleuissement, notamment la profondeur d'oxydation dont dépend la couleur obtenue, est difficile à maîtriser et à reproduire.
En outre l'utilisation de l'acier dans la fabrication des aiguilles limite les possibilités de mise en forme et d'usinage des aiguilles. En particulier, il est extrêmement difficile de fabriquer des aiguilles en acier de forme compliquée, notamment lorsque des facettes ou d'autres motifs en relief sont souhaités.
Lorsqu'une forme d'aiguille plus complexe est requise, on emploie donc généralement comme matériau de base du laiton ou un autre matériau plus facile à usiner que l'acier. Dans ce cas, le bleuissement traditionnel décrit ci-dessus devient impossible. Les aiguilles peuvent être colorées en les revêtant par déposition PVD d'une couche mince de couleur bleue. Mais la fameuse couleur bleu acier n'est pas reproduite à l'identique.
De plus, la reproductibilité de la couleur par ce type de procédé est difficile à garantir.
Des problèmes similaires se rencontrent lors de la fabrication d'autres pièces colorées dans une montre, par exemple pour la fabrication de cadrans, d'appliques sur les cadrans, de lunettes de montre, de vis, de boîtes, de bracelets, de platines, etc. On utilise aussi des pièces bleu acier dans des domaines tels que la lunetterie, la bijouterie, les instruments d'écriture, les briquets notamment.
Un but de la présente invention est de proposer un nouveau procédé de fabrication de pièces qui évite les inconvénients de l'art antérieur et qui permette d'obtenir la couleur « bleu acier » à l'identique, ou d'autres couleurs selon les exigences esthétiques, et qui évite les inconvénients des procédés de l'art antérieur.
Ce but est atteint au moyen d'un procédé selon la revendication 1, des variantes préférentielles étant par ailleurs indiquées dans les revendications dépendantes.
En particulier, ce but est atteint au moyen d'un procédé de fabrication de pièces colorées, dans lequel un substrat composé d'un premier matériau, de préférence un matériau plus facile à usiner que l'acier, est usiné puis recouvert d'un revêtement constitué par un matériau ferreux qui est ensuite coloré par oxydation superficielle.
Ce procédé a l'avantage d'utiliser un matériau facile à usiner pour déterminer la forme de l'aiguille et de n'employer l'acier que comme revêtement superficiel pour déterminer la couleur de la pièce ainsi usinée. Toutes les colorations pouvant être obtenues par oxydation de l'acier, en particulier la couleur bleu acier, peuvent ainsi être reproduites à l'identique.
Ce procédé a en outre l'avantage de faciliter la reproductibilité de la couleur désirée. En effet, la couche d'acier déposée peut être choisie
suffisamment mince pour limiter la gamme de variations de la teinte selon la profondeur d'oxydation. En outre la couleur bleu acier est beaucoup plus facilement maîtrisée lorsque l'on procède à la déposition d'une couche d'acier oxydée ultérieurement que lors de la déposition réactive d'une couche d'oxyde dont la stoechiométrie influence la couleur obtenue.
Le procédé permet de fabriquer des pièces d'un aspect esthétique étonnant, puisque leur couleur est celle de l'acier oxydé mais dont la forme est difficile voir impossible à usiner à partir de ce matériau. En particulier, on peut fabriquer des aiguilles de montre finement travaillées mais qui ont l'aspect robuste et résistant de l'acier.
L'invention sera mieux comprise à la lecture de la description donnée à titre d'exemple et illustrée par l'unique figure annexée qui montre une vue schématique d'une installation complète de coloration de pièces par oxydation.
La figure 1 illustre à titre d'exemple un système complet de coloration de pièces selon une variante de mise en œuvre de l'invention. Le système comprend un dispositif d'entraînement de pièces constitué ici par une bande 2 déroulée à partir d'un rouleau de départ 20 et enroulée sur un rouleau d'arrivée 21. Les pièces à colorer sont placées sur la bande 2 près du rouleau de départ 20 et emportées après traitement près du rouleau d'arrivée 21. Dans une variante, les pièces à colorer sont liées entre elles et ne sont séparées qu'après coloration ; dans ce cas, la bande 2 peut être remplacée par des séries de pièces liées.
Dans cet exemple, les pièces à traiter sont constituées par des aiguilles de montre usinées au cours d'opérations non représentées.
Comme évoqué plus haut, d'autres types de pièces peuvent cependant être colorées avec ce procédé. L'usinage peut comporter par exemple des opérations d'étampage,des opérations d'enlèvement de copeaux, par exemple par diamantage ou chanfreinage, des opérations d'injection, de moulage ou de frittage, etc.
Le substrat 10 de la pièce à colorer est de préférence composé d'un matériau métallique facile à mettre en forme et à usiner, par exemple d'un alliage de cuivre tel que laiton. Le substrat pourrait aussi être constitué d'un autre alliage métallique, ou même d'un matériau synthétique moulé ou de céramique frittée
Les substrats usinés sont ensuite dégraissées chimiquement puis séchés par exemple à l'aide d'un système de nettoyage solvant / co-solvant, afin d'améliorer l'adhérence du revêtement déposé ultérieurement.
Les substrats 10 placés sur la bande 2 sont introduits dans la zone de déposition du revêtement ferreux. Dans la variante préférentielle illustrée, cette zone est constituée d'une installation de pulvérisation cathodique en continu 3 comprenant deux cibles 34, 35 de diamètre 100mm dans deux portions distinctes B et C. La cible 35 est constituée d'un matériau ferreux, par exemple d'acier DIN Ck45 (0.45% de carbone) tandis que la cible 34 peut être constituée de titane par exemple. La distance entre les cibles et les substrats est par exemple de 80mm. La pression dans l'enceinte est réduite à 10"5 Pa.
Les cibles 34, 35 sont de préférence nettoyées avant toute utilisation au cours d'une opération appelée « presputtering ». Dans ce but, une tension continue négative ou radiofréquence est appliquée sur les cibles. Des cations d'argon dans l'enceinte vont être accélérés par cette tension et projetés sur les cibles qui seront ainsi parfaitement nettoyées.
La première portion A permet d'effectuer un décapage ionique du substrat 10. Dans ce but, un gaz neutre, par exemple de l'argon, est introduit dans l'enceinte jusqu'à l'obtention d'une pression partielle d'argon de 1 Pa par exemple. Le substrat 10 est polarisé négativement de sorte à créer une différence de potentiel suffisante à l'ionisation du gaz d'argon. L'atome neutre de gaz devient un cation 36 qui sera accéléré en direction du substrat 10 chargé négativement. Sous l'effet de l'impact des ions d'argon 36, la surface du substrat 10 subit ainsi un décapage qui lui confère un état de propreté permettant une meilleure adhérence des
revêtements sur le substrat. Des essais concluants ont été menés avec une puissance de 100W appliquée en mode radiofréquence, par exemple avec une fréquence de 13.56MHz, sur le substrat 10 pendant une durée de pulvérisation de 5 minutes.
Le substrat est ensuite transféré dans la deuxième portion B de la machine de déposition 3, permettant de déposer une sous-couche d'accrochage, par exemple un revêtement à base de titane. Cette opération est optionnelle et n'est nécessaire que si le matériau du substrat ne permet pas une bonne adhérence du revêtement ferreux, ou si une résistance à la corrosion ou une dureté améliorée de la pièce finale sont désirés. Dans ce but, une tension continue négative ou radiofréquence est appliquée sur la cible 34 en titane tandis que le substrat 10 est maintenu à la masse ou polarisé négativement. Un champ magnétique est de préférence appliqué par le magnétron 31 qui permet d'accroître et de mieux concentrer la pulvérisation en superposant un champ magnétique au champ électrique. Les ions de gaz 36, par exemple d'argon, sont accélérés vers la cible 34 et la pulvérisent. Des atomes de titane 38 sont ainsi éjectés de la cible 34 en direction du substrat 10 où ils se condensent pour former un revêtement 11. La puissance nominale appliquée à la cathode et la durée de déposition sont respectivement de 75 watts et 10 minutes par exemple. Au terme de cette opération, le substrat est revêtu d'une sous-couche d'accrochage 11.Des expériences ont montré que certains atomes de titane dans l'enceinte B sont ionisés positivement. Dans une variante préférentielle de l'invention, on appliquera donc une tension légèrement négative au substrat 10 afin d'accélérer ces ions et d'améliorer ainsi leur pénétration et l'adhérence sur le substrat. La tension sera toutefois inférieure en valeur absolue à celle appliquée à la cible 34, afin d'éviter un effet de décapage par les ions d'argon 36.
La déposition du revêtement d'alliage ferreux 12 est effectuée dans la troisième portion C de la machine de déposition 3. Les conditions de fonctionnement de cette troisième portion sont les mêmes que celle de la deuxième portion, si ce n'est que la cible de titane 34 est remplacée par une cible en acier 35 comme indiqué ci-dessus, et que la puissance nominale
et la durée de déposition sont respectivement de 400 watts et de dix minutes par exemple. Les faces exposées du substrat sont recouvertes au terme de cette opération d'un revêtement d'acier 12 avec une épaisseur, exagérée sur la figure, de l'ordre de 1 micromètre.
On pourra aussi dans le cadre de cette invention employer d'autres types de déposition PVD (Physical Vapor Déposition), tels que l'évaporation sous vide en chauffant par résistance, par induction, par bombardement électronique, par arc cathodique, ou par ablation laser par exemple. Des méthodes de déposition chimiques et électrochimiques peuvent aussi être mises en œuvre pour recouvrir le substrat 10 d'un fin revêtement d'alliage ferreux.
La machine de déposition illustrée sur cette figure comporte trois portions A, B, C permettant d'effectuer les opérations de nettoyage ionique, de déposition de la sous-couche d'accrochage 11 et de déposition du revêtement ferreux 12 en parallèle sur trois lots de pièces. Il est naturellement également possible d'effectuer les opérations de nettoyage ionique et de déposition de matériaux ferreux l'une après l'autre sur la même machine en modifiant les paramètres de fonctionnement par exemple comme suit :
D'autre part, il est possible de traiter simultanément dans chacune des portions A, B et C de la machine de déposition un lot de substrats 10, par exemple un lot de100 aiguilles.
Le substrat ou le lot de substrat revêtu est transporté par la bande 2 et remis à l'air libre. Il est ensuite soumis à une source de chaleur qui provoque son bleuissement par oxydation du fer en surface. Dans l'exemple illustré, le substrat est chauffé par induction électromagnétique au moyen d'une bobine 4. Une autre possibilité, non illustrée, consisterait à utiliser un flux d'air chaud. La couleur du revêtement obtenue dépend de l'épaisseur de la couche d'oxyde 13, de la température appliquée et de la durée d'exposition à la chaleur. L'utilisation d'un revêtement métallique suffisamment fin 12 permet de réduire la gamme de variation de l'épaisseur d'oxyde et donc d'améliorer la reproductibilité de la couleur. Des essais concluants pour obtenir le bleu acier désiré ont été effectués avec les paramètres suivants dans le cas de l'emploi d'un revêtement 12 en fer ou en acier extra-doux :
Dans le cas d'un acier à 0,5% de carbone, la couleur bleu acier peut être obtenue par exemple en 80-100 heures à 200°. Un acier extra-dur devient bleu en 5 minutes à 300° ou en 1 minute à 325°.
L'oxydation peut aussi être accélérée ou mieux contrôlée en plaçant la pièce à bleuir dans une atmosphère mieux contrôlée, par exemple sous vide partiel ou dans une atmosphère enrichie en oxygène. Dans une variante, la couleur bleu acier est obtenue par trempage de la pièce dans un bain salin chauffé, par exemple dans un bain d'azotate de potasse et d'azotate de soude chauffé à une température entre 210° et
650°. L'oxydation est interrompue en trempant la pièce dans l'eau pour dissoudre le reste de sels.
Une oxydation sous vide partiel ou sous apport d'oxygène supplémentaire a l'avantage de permettre un bleuissement identique à une température plus basse. On recourra donc en particulier à ces techniques lorsque le substrat est réalisé dans un matériau, par exemple un matériau synthétique, supportant mal la chaleur.
Un revêtement superficiel transparent non représenté peut être déposé sur la couche de matériau ferreux oxydé 13 pour empêcher la corrosion et/ou augmenter la dureté. Ce revêtement sera par exemple nécessaire pour des pièces destinées à être utilisées dans un environnement soumis à l'humidité ou à des manipulations, par exemple pour les parties externes d'une montre, pour des accessoires d'écriture, etc. Il ne sera en revanche généralement pas nécessaire pour des aiguilles de montre. Le revêtement superficiel peut être constitué par exemple d'un vernis ou d'une couche transparente déposée par une méthode de déposition sous vide.