COMPOSITION ET PROCEDE D'INHIBITION DE LA POLYMERISATION RADICALAIRE DE MONOMERES AROMATIQUES A INSATURATION
ETHYLENIQUE,
La présente invention a pour objet une composition utilisable comme inhibiteur de la polymérisation radicalaire de monomères aromatiques à insaturation éthylénique et un procédé destiné à empêcher la polymérisation radicalaire de tels monomères insaturés pendant leur préparation industrielle. Elle concerne plus particulièrement les monomères aromatiques vinyliques.
Les monomères aromatiques à insaturation éthylénique sont enclins à polymériser spontanément sous l'action de la chaleur. Or, une polymérisation prématurée doit être évitée lors de la fabrication, de la purification et du stockage desdits monomères. En cours de fabrication ou de purification, une polymérisation précoce est préjudiciable puisqu'elle provoque une chute des rendements de production et un encrassement des installations rendant souvent nécessaire l'arrêt momentané de la production pour des raisons de maintenance d'où un surcoût de la production. Du fait de l'exothermicité de la réaction de polymérisation, des explosions et incendies sont également à craindre.
La distillation de certains monomères vinyliques aromatiques est particulièrement problématique lorsqu'elle nécessite la mise en oeuvre de températures élevées : c'est notamment le cas de la distillation des dérivés vinylaromatiques tels que le styrène, l'α-méthylstyrène et autres vinylbenzènes. De façon à empêcher la polymérisation des monomères vinyliques aromatiques, il est connu dans la technique d'ajouter un ou plusieurs inhibiteurs ou retardateurs de polymérisation, soit de façon préventive en cours de fabrication, soit encore directement auxdits monomères avant leur utilisation.
Ainsi pour l'inhibition de la polymérisation du styrène au cours de sa fabrication, l'industrie utilise couramment du 2,4-dinitrophénol, du 4,6-dinitro-o- crésol (DNOC), du 2,6-dinitro-p-crésol (DNPC) [US 4 105 506] ou encore du 2,4- dinitro-6-sec-butylphénol (DNBP). Le brevet US 4 466 905 met en évidence que des associations 2,6-dinitro-p-crésol avec des composés p-phénylènediamine ou avec le tert-butylcatechol sont très efficaces pour limiter la polymérisation du styrène si un minimum d'oxygène est présent. Dans JP 63 316745, il est indiqué la possibilité d'utiliser le 2-méthyl-4-nitrosophénol en combinaison avec du 2,6- dinitro-p-crésol.
D'une manière générale, les inhibiteurs nitrophénoliques de l'état de la technique sont relativement toxiques et ne sont pas toujours très stables.
L'invention a pour objet de fournir une composition destinée à empêcher la polymérisation prématurée de monomères aromatiques à insaturation éthylénique au cours de la fabrication desdits monomères.
La présente invention a donc pour objet une composition destinée à empêcher la polymérisation radicalaire de monomères aromatiques à insaturation éthylénique caractérisée par le fait qu'elle comprend au moins un dérivé dinitroaromatique choisi parmi les dinitrosalicylaldehydes, les dinitroalkoxyphenols, les dinitrodihydroxybenzènes.
Une variante de l'invention consiste à associer le dérivé dinitroaromatique de l'invention avec un ou plusieurs véhicules compatibles avec ledit monomère et avec chacun des constituants de la composition. Une autre variante de l'invention est de l'associer avec un autre inhibiteur de polymérisation.
Plus précisément, le dérivé dinitroaromatique de l'invention peut être représenté par la formule générale (I) :
dans ladite formule (I), Y représente :
- un groupe aldéhyde -CHO ;
- un groupe hydoxyle -OH - un groupe alkoxy de type -O-R dans lequel R symbolise un radical alkyle inférieur, linéaire ou ramifié. Par "radical alkyle inférieur", on entend de 1 à 4 atomes de carbone. Ainsi, R représente un radical méthyle, éthyle, n-propyle, isopropyle, n- butyle, isobutyle, sec-butyle et tert-butyle. R est plus préférentiellement un radical méthyle ou éthyle.
L'invention n'exclut pas des composés de formule (I) dans laquelle R représente un radical autre qu'un radical alkyle inférieur, par exemple un radical alkyle ayant plus de 4 atomes de carbone, de préférence, de 5 à 16 atomes de carbone ou un radical alcényle ayant, de préférence, de 2 à 16 atomes de
carbone, par exemple un radical allyle ou un radical aryle, de préférence, un radical phényle : le terme "alkoxy" étant utilisé d'une manière générique. Toutefois, d'un point de vue économique, ces composés ne sont pas préférés. Les exemples donnés ci-après, illustrent les dérivés dinitroaromatiques mis en oeuvre préférentiellement. Ils sont plus particulièrement choisis parmi :
- le 3,5-dinitrosalicylaldéhyde,
- le 3,5-dinitro-2-méthoxyphênol ou 3,5-dinitrogaïacol,
- le 2,4-dinitro-6-méthoxyphénol ou 2,4-dinitrogaïacol,
- le 3,5-dinitro-2-éthoxyphénol ou 3,5-dinitroguétol, - le 2,6-dinitrohydroquinone,
- le 3,5-dinitrocatéchol.
On peut également mettre en oeuvre un mélange de dérivés dinitroaromatiques.
Les compositions de l'invention sont adaptées à la stabilisation des monomères aromatiques présentant au moins une insaturation éthylénique.
Elles conviennent plus particulièrement pour les monomères tels que le styrène, l' -méthylstyrène, le divinylbenzène, le vinyltoluène, le vinylnaphtalène, les acides styrènesulfoniques, etc..
L'invention s'applique préférentiellement au styrène. Les compositions de l'invention forment soit des solutions vraies, c'est-à- dire qu'elles sont constituées d'ingrédients parfaitement miscibles, soit des émulsions, soit encore des suspensions. Selon un mode de réalisation préféré toutefois, les compositions sont sous la forme de solutions vraies.
La présence dans la composition d'un ou plusieurs véhicules est facultative. Elle peut s'avérer nécessaire cependant lorsque la solubilité des dérivés dinitroaromatiques de la composition dans le monomère à stabiliser est faible, voire insuffisante. En ce cas en effet, il est préférable d'incorporer à la composition un ou plusieurs véhicules compatibles d'une part avec le monomère à stabiliser, et d'autre part avec chacun des autres constituants de la composition. Par "compatible", on entend selon l'invention un véhicule qui soit chimiquement inerte vis-à-vis des différents ingrédients de la composition et du monomère. La nature du véhicule dépend donc des différents constituants en présence ainsi que de la nature même du monomère.
Lorsque le monomère est un dérivé aromatique vinylique, des véhicules particulièrement appropriés sont le benzène, le toluène, le xylène, l'éthylbenzène, le styrène, l'acétophénone, le méthylphénylcarbinol ou des mélanges de ces solvants. On préfère utiliser en ce cas, l'éthylbenzène.
De manière préférée, les compositions de l'invention renferment en outre un autre inhibiteur. En effet, on observe une synergie plus ou moins importante par association de l'inhibiteur de l'invention avec d'autres inhibiteurs de polymérisation. Ainsi, une variante de l'invention consiste à introduire dans la composition de l'invention, un ou plusieurs inhibiteurs de polymérisation de type connu.
Plusieurs classes d'inhibiteurs conviennent tout à fait bien et l'on peut citer, entre autres :
- les catéchols et, plus préférentiellement, le catéchol, le 3-méthylcatéchol, le 4-méthylcatéchol, le 3-isopropylcatéchol, le 3-butyl-5-méthylcatéchol, le 4- tert-butylcatéchol, le 3,5-di-tert-butylcatéchol, le 4,6-di-tert-butylcatéchol, le 3-octyl-5-méthylcatéchol, le 4-isopropoxycatéchol, le 3,6- diisopropylcatéchol ;
- les p-phénylènediamines et notamment la N,N'-(di-sec-butyl)-p- phénylènediamine, la N,N'-(diisobutyl)-p-phénylènediamine, la N,N'-di(1 ,4- diméthylpentyl)-p-phénylènediamine, la N,N'-diphényl-p-phénylènediamine, la N,N'-ditolyl-p-phénylènediamine, la N-isopropyl-N'-phényl-p- phénylènediamine, la N-(1 ,3-diméthyl-butyl)-N'-phényl-p-phénylènediamine ;
- les nitrosophénols et particulièrement le 4-nitrosophénol, le 2-méthyl-4- nitrosophénol
- les nitroxydes et, plus particulièrement, le 2,2,6,6-tétraméthylpipéridine-N- oxyl, le 4-hydroxy-2,2,6,6-tétraméthylpipéridine-N-oxyl, le 2,2,6,6- tétraméthylpipérazine-N-oxyl.
L'invention n'exclut pas la mise en oeuvre de tout autre inhibiteur connu dans la technique, à condition qu'il soit compatible avec les autres ingrédients de la composition dans les conditions opératoires auxquelles est soumis le monomère à stabiliser.
Les autres inhibiteurs sont ajoutés à la composition de telle sorte que le rapport de la masse des dérivés de type dinitroaromatique de formule (I) à la masse totale des constituants de type inhibiteur est compris entre 90/10 et 10/90, de préférence entre 80/20 et 20/80.
Les compositions de l'invention sont facilement préparées par mélange des différents constituants dans le véhicule choisi.
L'invention a par ailleurs pour objet un procédé permettant d'empêcher la polymérisation radicalaire d'un monomère aromatique à insaturation éthylénique, de préférence un monomère aromatique vinylique. Ce procédé comprend, par exemple, l'addition audit monomère, d'une quantité efficace d'une composition de l'invention telle que définie ci-dessus.
La quantité de dérivé dinitroaromatique à ajouter pour obtenir une inhibition efficace de la polymérisation varie dans une large mesure. Elle est fonction du monomère à stabiliser et des conditions opératoires auxquelles est soumis ce monomère. Il est clair qu'à des températures élevées, la quantité d'inhibiteur sera plus importante. Le procédé de l'invention est en effet applicable pour la stabilisation du monomère, en cours de fabrication et de purification. Or, il n'est pas rare que la purification soit réalisée par distillation du monomère, la température au niveau du rebouilleur pouvant dépasser les 120°C.
Ainsi, la quantité idéale d'inhibiteur devra être évaluée au cas par cas. Quoi qu'il en soit, à titre indicatif, une quantité totale de dérivé dinitroaromatique comprise entre 1 et 2000 ppm, de préférence entre 5 et 1000 ppm suffit généralement, cette quantité étant exprimée par rapport au poids total du monomère à stabiliser.
Ainsi qu'indiqué précédemment, il est possible d'ajouter au monomère une quantité efficace d'un ou plusieurs autres inhibiteurs de polymérisation.
La proportion du ou des inhibiteurs est de préférence telle que le rapport de la masse des dérivés de type dinitroaromatique de formule (I) à la masse totale des constituants de type inhibiteur est comprise entre 90/10 et 10/90, mieux encore entre 80/20 et 20/80. Le dérivé dinitroaromatique et l'inhibiteur de polymérisation radicalaire peuvent être additionnés au monomère de façon tout à fait conventionnelle. Le point d'introduction dans le procédé est très variable : on peut envisager d'ajouter chacun de ces composés au niveau des échangeurs de chaleur, des conduites, des pompes, des rebouilleurs, des compresseurs ou plus généralement des colonnes de distillation. Il doit être entendu que l'addition peut être réalisée en continu ou bien répétée dans le temps en un ou différents sites particuliers.
Selon l'invention, il est possible d'envisager l'addition simultanée ou séparée de l'inhibiteur de l'invention et de l'autre inhibiteur.
Le procédé de l'invention est particulièrement avantageux en termes d'efficacité de l'inhibition de la polymérisation radicalaires des monomères aromatiques vinyliques.
Les exemples suivants sont donnés à titre d'illustration et concernent des modes de réalisation préférés de l'invention.
Exem les 1 à 9
Afin d'évaluer les propriété d'inhibition des produits en référence, vis-à-vis de la polymérisation radicalaire des monomères vinyliques, des tests d'inhibition avec le styrène ont été entrepris avec le protocole opératoire suivant.
Avant chaque test, le styrène utilisé (commercialisé par la Société Merck) est préalablement déstabilisé par passage sur une colonne d'alumine activée (obtenu auprès de la Société Procatalyse) afin d'éliminer totalement le 4-tert- butylcatéchol initialement présent à raison de 15-20 ppm.
Le styrène résultant (10 ml) est placé dans un tube à essai et la quantité adéquate d'inhibiteur est alors ajoutée.
De l'argon est introduit dans la phase liquide du réacteur par barbotage (5 min) ainsi que dans le ciel du réacteur par bullage (5 min).
Le tube est fermé et placé dans un bain d'huile thermostaté à 100°C pendant 2 heures.
Le taux de polymère formé au bout de 2 heures est déterminé par la méthode de précipitation dans le méthanol.
A cette fin, un échantillon refroidi de 10 ml de styrène est transvasé dans un flacon en verre contenant 50 ml de méthanol environ, afin de précipiter le polystyrène formé qui est insoluble dans le méthanol.
Ce précipité est ensuite filtré sur filtre millipore puis le résidu (correspondant au polymère formé) est séché en étuve à 40°C, avant d'être pesé.
Les résultats des tests sont résumés dans le tableau I.
Tableau
Les résultats montrent que les produits revendiqués (ex. 4 à 9) sont d'excellents inhibiteurs de la polymérisation du styrène au même titre que les produits industriels existants (ex. 2 et 3). De plus n'étant pas issus de produits monophénoliques ou crésoliques, ils sont moins toxiques que le dinitrophénol.
Exemples 10 à 14
Dans ces exemples, les conditions de test sont identiques à l'exemple 1.
Les composés nitrés sont associés à divers autres inhibiteurs connus pour la stabilisation du styrène.
Les résultats des tests sont résumés dans le tableau II.
Tableau II
avec IPPD = N-isopropyl-p-phénylènediamine TBC = 4-tert-butylcatéchol Tempo = 2,2,6,6-tétraméthylpipéridine-N-oxyl
Comme l'illustrent les exemples 10 à 14, l'association d'un composé dinitré avec un autre inhibiteur permet d'atteindre une efficacité d'inhibition encore meilleure que le composé dinitré seul.