[go: up one dir, main page]

Aller au contenu

Bataille de Mauron

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La bataille de Mauron se déroula le . C'est une bataille de la guerre de Succession de Bretagne, guerre régionale qui s'inscrit dans la rivalité franco-anglaise de la guerre de Cent Ans. Elle oppose une armée anglo-bretonne du parti de Jean IV de Montfort à une armée franco-bretonne soutenant Charles de Blois.

Depuis la mort de Jean de Montfort en 1345 et la capture par les Anglais de Charles de Blois à la bataille de La Roche-Derrien en 1347, les deux partis campent sur leurs positions. La paix est entrecoupée par quelques escarmouches comme le célèbre Combat des Trente en 1351[1].

En 1352, le roi de France Jean II le Bon relance les hostilités. À la tête d'une armée franco-bretonne le maréchal Guy II de Nesle est chargé de reprendre Ploërmel aux anglo-bretons.
À cet effet, Mauron est fortifiée par les Franco-Bretons, en point d’appui avec Josselin, pour préparer leur attaque contre Ploërmel.
Défense occidentale avancée de Rennes, la place forte de Mauron contrôle à leur intersection les voies reliant les cités de Dinan, Vannes, Rennes et Carhaix. Cette position stratégique importante de la place est convoitée par le parti de Montfort qui envoie des troupes commandées par les bretons Tanguy du Châtel, Garnier de Cadoudal[Note 1], Yves de Trésiguidy et l’anglais Gautier de Bentley (ou Walter de Bentley)
Les deux armées se rencontrent au lieu-dit Brambily (actuellement commune de Saint-Léry), dans les prairies de l'Orme, près du château de Mauron[2].

Forces en présence[3]

[modifier | modifier le code]

Armée anglo-bretonne

[modifier | modifier le code]

3 000 hommes commandés par l'anglais Gautier de Bentley et le breton Tanguy du Chastel composé en particulier d'archers qui forment les ailes de la défense[1].

Armée franco-bretonne

[modifier | modifier le code]

5 000 hommes commandés par le français Guy II de Nesle et des bretons, héros rescapés du Combat des Trente, Jehan de Beaumanoir et Alain de Tinténiac ainsi que Jean Ier de Rieux et Alain VII de Rohan installée dans la prairie descendant vers le Doueff ayant pour objectif de reprendre Mauron[4].

La bataille

[modifier | modifier le code]

Après avoir pris la ville de Mauron, Gautier de Bentley n’eut pas le temps de s’emparer du château de Brambily[5]. Dans la nuit du 13 au , veille de l'Assomption, les forces anglaises contournent les positions françaises. Persuadé de sa supériorité, le maréchal De Nesle, propose à Bentley un armistice afin de se rendre ou de retirer ses troupes en Angleterre ce que le chef anglais refuse. Ce faisant il positionne l'oct anglo-montfortiste sur un point dominant qui sera fatal à ses adversaires.

Le champ de bataille

[modifier | modifier le code]

Walter de Benthley dispose ses troupes en haut d’une colline à environ 1,5 km des positions françaises les dominant d’environ une centaine de mètres.

L’endroit où s'est déroulé la bataille n’est pas donné de manière précise par les chroniqueurs ; mais François-Marie Cayot-Delandre supposait en 1847 qu’elle eut lieu dans le voisinage du village du Bois-de-la-Roche où une très grande quantité d’ossements a été retrouvée lors de l'ouverture d'un chemin au début du XIXe siècle[6]. L'historien Yvonig Gicquel, la situe beaucoup certainement au nord-est de Mauron, autour de la ferme actuelle de l'Orme, près de la commue de Saint-Lery[7]. Le château de Brambily était situé à cet endroit, sur la rive droite du Doueff, cité par plusieurs sources. La même hypothèse avait été retenue par Alfred Higgins Burne [8] en 1955.

Les terrains sur lesquels va se dérouler la bataille se présentent en forme de colline disposée en quadrilatère de 1 à 1,5 km de côté, descendant vers la rivière à l’ouest et au nord, et vers le massif forestier de Paimpont à l’est et au sud. En haut de la colline, le capitaine anglais adopte un comportement dicté par la situation de l’ennemi en contrebas en installant ses archers, éléments dominant en point d’appui adossés à un bois bordé de fourrés, en dessous de la crête de la colline, pour leur permettre de tirer, à l’abri, vers le bas et éviter d’être pris à revers sur les arrières et sur les flancs.

Le déroulement des hostilités

[modifier | modifier le code]

Le déroulement de la bataille est connu grâce à La Chronique Normande[9] (1369-1372). L’auteur anonyme donne de nombreux détails d’une bataille à laquelle il a vraisemblablement pris part. L'historien de la Bretagne Arthur de la Borderie s'appuiera sur ce témoignage pour en faire lui-même le récit[10].

Fidèle aux leçons anglaises et à une tactique qui a réussi sur de nombreux champs de bataille, Bentley s’installe donc sur la défensive, le soleil dans le dos, faisant combattre à pieds tous ses hommes y compris les chevaliers. Les soldats sont vêtus de cottes blanches surmontées de la croix rouge de Saint Georges (patron des chevaliers anglais). Tanguy Du Chastel commande les nobles répartis au centre du dispositif. Bentley dispose sur les deux ailes ses 800 à 1 000 archers.

Face aux Anglais, le maréchal d’Offemont dispose en bas de la prairie ses hommes en trois « batailles » qui combattent à pied (vu le terrain) :

Les hostilités débute en début d'après-midi par une attaque montante des Franco-Bretons. Les archers Anglo-Bretons se replient et s'abritent pour tirer des milliers de flèches qui font des ravages dans les troupes françaises évoluant à découvert vers le sommet de la colline. L'aile droite française commandée par Jean III de Beaumanoir, recule puis se débande sous un déluge de flèches.

Le centre anglo-breton peut alors descendre la colline en attaquant. Les fantassins anglais se font aider par les archers de l’aile gauche qui n’ont plus personne en face, l’aile droite française ayant été décimée. Les hommes se battent au corps à corps, la mêlée est si confuse et si rude qu’elle rend, à un certain moment, inefficace l’intervention des archers anglais qui se battent en fantassin. Toutefois l’aile gauche franco-bretonne des cavaliers commandés par Rogues d’Hangest[11], suppléés par Renaud de Trie, seigneur de Mareuil, finit par renverser l'aile droite anglaise en tuant plus de 600 archers. Le combat se recentre, chaque troupe ayant perdu une aile et les archers étant contraints de se battre en fantassin.

Bentley, malgré de graves blessures, et malgré la perte de ses 600 archers gallois, continue à organiser le combat, finit par repousser, en fin de journée, ses adversaires. Les chevaliers français se battent jusqu'à épuisement. Selon les sources françaises, beaucoup d’entre eux auraient été membres de l’ordre de l'Étoile, crée le 16 novembre 1351 par le nouveau roi de France Jean II Le Bon. Ces chevaliers, réputés les plus glorieux du royaume de France, juraient de «ne pas reculer plus de quatre pas». Ce serment prêté lors de la première fête de l'ordre de l'Étoile aurait coûté la vie à tous ceux qui combattaient ce jour-là ; mais l'engagement en nombre des dignitaires de cet ordre est contesté[12],[Note 5].

En fin d'après-midi, la bataille de Mauron se transforme en une cuisante défaite pour les troupes franco-bretonnes du maréchal Guy de Nesle d’Offemont. Ce dernier entouré par l’élite de ses combattants, se bat courageusement mais après un combat désespéré au corps à corps, il se fait tuer par Tanguy du Chastel, l’un des lieutenants bretons du capitaine anglais. C'est alors la débandade dans le camp franco-breton, un sauve-qui-peut aveugle qui se termine en affreux carnage[13]. Selon les sources entre 50 et 140 chevaliers franco-bretons périrent avec le maréchal Guy II de Nesle et le héros du combat des Trente Alain de Tinténiac.

Il faudra 2 jours pour retrouver le cadavre du maréchal Guy de Nesle d’Offemont.

Comme à la Roche-Derrien et à Crécy puis plus tard à Poitiers, un nombre important de nobles Bretons et Français périssent, victime des archers anglais et gallois et surtout de leur serment de ne jamais reculer.

La bataille de Mauron est une victoire éclatante pour les anglo-montfortistes, à tel point que le parti blésiste ne mènera plus d’offensive majeure durant les onze années suivantes.

Bien que moins nombreux, les Anglo-Bretons remportent la bataille au prix de grande perte de part et d'autre. Dans son Histoire de la Bretagne, Arthur de la Borderie en estime le bail à 800 hommes tués du côté franco-breton et à 600 du côté anglo-breton[10]. Au moins 150 chevaliers auraient péri côté français. Cette bataille, peu documentée et peu étudiée, décima presque intégralement la haute aristocratie militaire bretonne soutenant Charles de Blois. Au moins sept bannerets et quarante-quatre chevaliers sont tués au combat, parmi lesquels des représentants de familles de tout premier plan en Bretagne : Rohan, Montauban, Tinteniac, Raguenel ou encore Quintin...

Conséquences

[modifier | modifier le code]

Les pertes considérables imposent aux deux partis le statu quo. Mais les conséquences pour le parti de Charles de Blois furent au moins aussi dramatiques qu'après la bataille de la Roche-Derrien. Selon Arthur de la Borderie, le sacrifice de la fine fleur de la chevalerie franco-bretonne a considérablement amoindries les forces du roi de France en Bretagne, laissant ainsi le champ libre au roi d’Angleterre pour renforcer ses positions. La guerre ouverte ne pourra reprendra que onze ans plus tard. Elle soldera par une nouvelle défaite française, cette fois définitive avec la mort de Charles de Blois , en 1364 par la Bataille d'Auray.[10]

D'après Jean Favier[14], la défaite française à Mauron[Note 6] aurait par ailleurs jeté le discrédit sur l'ordre de L'Étoile[Note 7] qui tombera rapidement en désuétude après les faits. Le funeste serment de ne jamais reculer prêté par les chevaliers de l'Ordre aurait selon lui et d'autre auteurs plus anciens[15] coûté la vie à un grand nombre de chevaliers français[16].

Des sources rares et lacunaires

[modifier | modifier le code]

Peu d'informations fiables sont disponibles concernant la bataille de Mauron[17]. Des historiens contemporains de référence comme Joël Cornette ne la mentionne même pas dans son Histoire de la Bretagne et des Bretons[18]. La raison en est sans doute que les sources primaires sont rares et, quand elles existent, présentent d'importantes lacunes.

Les noms des chevaliers participants, le nombre de tués, de blessés, de prisonniers, et les demandes de rançon ne sont pas établis. De plus, les récits contemporains qu'ils soient anglais, français ou alliés à l'une des parties, adoptent presque toujours une perspective partisane visant à promouvoir les intérêts d'un camp.

Les principaux écrits contemporains sur la bataille émanent d'auteurs anglais célébrant leur victoire[19]. Le plus ancien de ces écrits est attribué à Walter Bentley lui-même dans le rapport qu'il en fit dans une lettre au roi Édouard III d'Angleterre[20].

Les auteurs français sont rares à évoquer cet humiliant désastre militaire[21]dont ils minimisent souvent l'importance et les conséquences[22]pourtant considérables selon Arthur de la Borderie. La principale source française est la Chronique normande[9] dont l'écriture a commencé vers 1369, soit plus près de 20 ans après la bataille à laquelle assistait peut-être l'auteur[17].

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Guillaume Cadoudal, dit aussi Garnier de Cadoudal, seigneur de Cadoudal en Plumelec, capitaine de Rennes en 1341, capitaine d'Hennebont en 1342.
  2. Guillaume de La Marche, seigneur du dit lieu, paroisse de Bédée et de la Boëssière, paroisse de Carentoir.
  3. Marié à Jeanne de Dinan vicomtesse de la Bellière, seigneur de Chateloger, paroisse de Saint-Erblon, décédé en 1363.
  4. Rocrion de Hangest, dit Rogues ou Roque d'Hangest, succéda à Guy II de Nesle à la dignité de maréchal de France après la bataille de Mauron.
  5. La propagande française a utilisé le serment des chevaliers pour tenter d'atténuer la gravité du carnage
  6. Ville qu'il ne cite pas en se trompant sur l'année de la bataille.
  7. Fondé par Jean II sur le modèle de l'ordre de la Jarretière créé par Edouard III en Angleterre.

Références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b « La bataille de Mauron », sur Encyclopédie de Brocéliande
  2. « Bataille de Mauron en 1352 : un haut lieu de la mémoire bretonne », Journal Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. « Bataille de Mauron II : Les protagonistes », sur Encyclopédie de Brocéliande
  4. « 14 août 1352 : la bataille de Mauron dans l'histoire de la Bretagne », Journal Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Le château de Brambily a disparu depuis. Il était situé à 1,5 km du centre de Mauron. Aucune chronique ne signale la prise du château par les Anglais. On imagine que s’il n’avait été occupé par les Anglais, Bentley y aurait regroupé ses troupes tout autour. Or les forces anglaises étaient en bas de la prairie. Si le château avait été occupé par les Anglais, naturellement ils l’auraient utilisé en point d’appui et auraient employé une stratégie défensive prévoyant une attaque de bas en haut, bien commode pour les archers anglais.
  6. CAYOT-DELANDRE, François-Marie, « Le Morbihan, son histoire et ses monuments »,
  7. GICQUEL, Yvonig,, Le combat des Trente, Coop Breizh, , [pages 129-138]
  8. BURNE, Alfred Higgins, « The Crecy War », Wordsworth Editions, , p. 237 à 247
  9. a et b Auguste et Emile MOLINIER, « Chronique Normande du XIVe siècle », sur Gallica - BNF, , p. 105 et suivantes
  10. a b et c Arthur de la Borderie, « Histoire de Bretagne : La Bataille de Mauron », p. 531, 532
  11. « Rogues d'Hanguest », sur Généanet
  12. Jean Froissart/, « Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre XII », sur Wikisources
  13. Certains historiens ont évoqué 2 000 morts. Il est vraisemblable qu'entre 1 400 à 1 600 hommes restent sur le terrain dont 800 à 900 du côté franco-breton et 600 à 700 du côté anglo-breton.
  14. AVIER, Jean, La Guerre de cent ans, France Loisirs. Arthème Fayard, , 680 p, [Page 186]
  15. Jean Froissart : Comment le roi Jean ordonna les chevaliers de l’Étoile à la Noble Maison de-lez Saint-Denis et comment meschef advint à cette noble compagnie, Jean Froissart dénonce la décision de ne pas reculer devant l’ennemi et prend en exemple la bataille de Mauron, sans la nommer.
  16. BORDONOVE, Georges, Jean II, Paris, Pygmalion, , 320 p., Page 118
  17. a et b « La bataille de Mauron III », sur Encyclopédie de Brocélainde
  18. Joël Cornette, Histoire de la Bretagne et des Bretons, t. 1 - Des âges obscurs au règne de Louis XIV, Édition du Seuil,
  19. « Chronicon Galfridi Le Baker de Swynebroke »
  20. Robertus de Avesbury de Gestis Mirabilibus Regis Edwardi Tertii,, « Adam, Adæ Murimuth Continuatio Chronicarum »
  21. Richard Lescot, moine de Saint-Denis, « Chronique de Richard Lescot », sur Gallica
  22. Roland Delachenal, « Chroniques des règnes de Jean II et de Charles V »